La montagne se mit à danser
Hier, ma maman a eu 70 ans. Elle est partie il y a un petit plus de deux ans, le 28 février 2022.
Deux répliques m’ont saisie dans la série Fleabag de Phoebe Waller-Bridge.
La première, c’est quand le prêtre parle de la liturgie funéraire.
Il dit : "The funeral liturgy says that life is changed, not ended."
La deuxième, c’est quand Fleabag, à la suite du décès de sa maman, dit à son amie Boo : « I dont’t know what to do with all the love I have for her. I don't know where to put it ». Son amie lui répond : « I'll take it. It sounds lovely. It's got to go somewhere. »
Cette absence, tout comme celle de ma soeur et de mes amis avant elles ont été, pendant des années, des montagnes d'amour calcifiés, énormes, infranchissables, des îlots d'hiver solidifiés dans le paysage de l'âme. Les années creusaient des sillons autour, mais les montagnes semblaient si grandes et si froides que la lumière peinait à se frayer un chemin et l'amour à se mouvoir.
But, it's got to go somewhere. It goes somewhere. Inévitablement.
Petit à petit, dans des temporalités fractionnées, illogiques, des tremblements de terre ou de lents mouvements, ces montagnes se sont mises à bouger, à se métamorphoser.
De crêtes acérées, certaines sont devenues collines ; sur leurs sommets, rocailleux et balayés par les vents ont poussé des arbustes. Elles se sont ouvertes, laissant couler la lumière, de vastes chemins se sont dessinés et l'amour a repris sa marche vers d'autres territoires.
En ce début de printemps, je nous souhaite, à chacune et chacun de prendre soin de nos montagnes.
De les chérir, de les honorer, d’y être attentif, pour mieux les laisser se transformer.
De laisser aux hivers ce qui appartient aux hivers et de laisser les printemps faire leur ouvrage.
Et l’amour de circuler, de s’incarner dans des êtres et des choses parfois inattendus mais qui n’attendent que nous.
À nos montagnes dansantes.
Et nos printemps.
Hari Om.